Nous suivre sur les réseaux sociaux

à lire en plus

Portrait. Janet Asimov (J.O. Jeppson), écrivaine de SF, est décédée à l’âge de 92 ans

Publié il y a

le

A gauche, Janet Opal Jeppson (Janet Asimov), à droite, Isaac Asimov.

Le monde de la science-fiction était en deuil, ce 25 février 2019, à l’annonce du décès de Janet Opal Jeppson à l’âge de 92 ans. Psychiatre et écrivaine, elle est devenue “Janet Asimov” en 1974 lors de son mariage avec Isaac Asimov, le célèbre auteur des Robots et Fondation. Ils ont coécrit plusieurs ouvrages ensemble. Si elle est moins connue du grand public que son mari, l’équipe tandem qu’elle formait avec lui ainsi que sa propre carrière personnelle méritent un coup de projecteur.

Janet Asimov a toujours eu une passion pour la plume, dès l’âge de 12 ans, mais elle savait qu’en vivre serait difficile. Il lui faudra donc quelques années et une situation professionnelle certaine avant de se lancer réellement dans l’aventure littéraire.

Elle commença par quelques nouvelles, puis, très vite, son premier roman fut édité en 1974, signé “J.O. Jeppson” – son nom d’autrice. Cette œuvre intitulée La Seconde Expérience (chez Denoël en France) nous embarque auprès d’un peuple protoplasmique né à l’autre bout de l’Univers, et aux facultés exceptionnelles, dont l’immortalité. Pour conserver cette dernière, ils vont devoir mener une expérience risquée et faire appel à un drôle de robot.

Dans sa bibliographie d’écrivaine, on retrouve également un roman pionnier concernant le mind uploading, ce procédé théorique visant à télécharger l’esprit humain dans des ordinateurs. En 1988, elle a en effet publié Mind Transfer, où l’on suit la vie (puis la seconde vie) d’un homme qui voit sa conscience transférée dans un androïde… non sans conséquences délicates. Elle y explore les enjeux éthiques, scientifiques, philosophiques profonds de ce principe, tout cela teinté d’une recherche sur ce qui constitue l’essence de l’identité humaine. Une pépite du genre, forte d’une maturité impressionnante, mais malheureusement jamais traduite en français.

Même si l’écriture était sa plus grande motivation, Janet Asimov a poursuivi une brillante carrière scientifique dans la psychanalyse. A une époque où le sexisme constituait un obstacle quasi infranchissable pour accéder à de nombreux postes et certaines formations, elle fut admise en faculté de médecine à l’université de New-York, puis accéda à la place de cheffe de clinique en psychiatrie au Bellevue Hospital. Elle a également pris la tête du programme de formation psychanalytique du William Alanson White Institute. Sa réputation solide lui permettra d’être chroniqueuse au prestigieux Los Angeles Times Syndicate.

Forte d’un humour satirique de haute volée, elle n’hésitait pas à faire preuve d’autodérision envers sa propre discipline dans ses écrits de fiction, principalement dans une suite de nouvelles mettant en scène des psychiatres d’écoles de pensée opposées qui se retrouvent pour débattre dans le cadre d’un club nommé Les Réducteurs de Têtes Associés.

Isaac et Janet Asimov, un tandem

Un écrivain et une écrivaine en couple ne pouvaient probablement pas y résister : Isaac et Janet Asimov ont écrit plus d’une dizaine d’ouvrages ensemble.

Il s’agit notamment des Chroniques de Norby, une série de science-fiction pour enfants. Norby est un jeune, petit mais gros robot. Il a la capacité de voler grâce à un système d’antigravité, et il fait équipe avec Jeff, son propriétaire humain. Isaac Asimov expliquera dans son autobiographie que son épouse a fait “presque tout le travail”, auquel il n’a apporté que “quelques touches çà et là”, et que son propre nom n’a été ajouté que “donner un coup de pouce aux ventes”. Le dernier tome mettant en scène Norby sera publié 1997, signé de Janet Asimov seulement, cinq ans après le décès de son mari.

Les époux Asimov ont également dirigé ensemble l’étrange anthologie Laughing Space: Funny Science Fiction Chuckled Over, qui propose une collection d’histoires, poèmes et dessins de SF à la fois drôles et bizarres. Il ne fait aucun doute que l’affection pour pour l’humour et la satire était dans leur nature commune.

Au-delà de la fiction pure, Isaac Asimov était connu pour être très investi en matière de vulgarisation scientifique, et c’était également le cas de Janet Asimov. Dans Frontier II, ils explorent ensemble les découvertes scientifiques récentes de l’époque sur “la vie, la Terre, l’espace et l’Univers”.

Après le décès de son mari, en 1992, Janet Asimov a continué de publier ses propres romans, tout en effectuant un consistant travail de mémoire sur son mari. En plus de divers recueils de lettres, extraits de journaux intimes et notes biographiques, elle a parachevé Moi, Asimov, l’épaisse autobiographie que l’écrivain avait presque terminé peu avant sa mort. Dans la postface dont elle s’est chargée, elle y confie par exemple que son époux lui dictait ses textes à la toute fin de sa vie, qu’elle dactylographiait alors elle-même, car ses problèmes de santé ne le rendaient plus apte à les rédiger lui-même.

Dans cette fameuse autobiographie, Isaac Asimov ne manque pas de faire part, malgré sa pudeur affective, de l’amour fou qu’il ressentait pour Janet : “Quand elle entre dans une pièce à l’improviste, aujourd’hui encore mon cœur fait un bond dans ma poitrine”, écrit-il dans le chapitre 84 dédié à l’histoire de leur rencontre. “Le plus important n’était pas le plaisir indéniable de sa présence. C’était l’accord parfait de nos deux esprits ; de nos deux personnalités”, rajoute-t-il quelques chapitres plus loin.

Continuer la lecture
Cliquez ici pour commenter

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

à lire en plus

Anticipation N°3 : voici les entretiens au sommaire

Publié il y a

le

Que peuvent nous dire les nouveaux mondes qui émergent après la fin du monde ? Cette question remet d’emblée en question la notion même de fin, portant le focus sur l’« après ». Que pouvons-nous trouver en regardant au-delà du chaos apparent de la fiction post-apocalyptique, pour y chercher les formes de renouveau et d’espoir qu’elle dépeint, les messages qu’elle adresse à notre présent ? Nous avons pris ces œuvres comme un laboratoire de pensée, tout en allant chercher aussi des clés dans la science et l’histoire. Comment l’humanité perçoit-elle son avenir et son champ des possibles ?

Voici le sommaire de ce numéro 3, avec les grands entretiens qui structureront cette nouvelle enquête dans les futurs possibles.


Partie 1 : « dépasser la fin du monde »

Les récits post-apocalyptiques ne sont pas tant des récits de la fin ni de l’apocalypse, que des récits de l’après. Des récits d’un nouveau monde naissant. Comment se distinguent-ils d’une approche purement apocalyptique ? Introduction avec Elisabeth Vonarburg, écrivaine.

LES ENTRETIENS :

  • Yannick Rumpala

Chercheur spécialisé du thème “science-fiction et politique”. Quel est l’imaginaire véhiculé par les récits post-apocalyptiques ?

  • Natacha Vas-Deyres

Chercheuse spécialiste de la science-fiction française. Quelles sont les particularités du post-apo français ? Et si ces récits étaient finalement proches du genre utopique ?

  • Ketty Steward

Romancière et poétesse française. » Et si les débats sur la fin du monde étaient finalement une occasion de changer d’angle et d’échelle ? Et si c’était aussi un tel changement de perspective que pouvait apporter la SF avec les mondes post-apocalyptiques ?

  • Manouk Borzakian

Géographe, auteur de Géographie Zombie. Il évoque le cinéma post-apocalyptique — de La Route à Mad Max — à travers la perception moderne de nos habitats et de notre rapport aux autres.

  • Brendan McCarthy

Coscénariste de Mad Max Fury Road. Des coulisses du film et à sa portée, comment ce 4e opus renouvelle la licence Mad Max avec des thématiques écologistes, féministes, et davantage d’espoir.

Partie 2 : « notre humanité mise à l’épreuve »

En retirant toutes les structures qui forment notre société, les mondes post-apocalyptiques mettent l’humanité à nu — et donc à l’épreuve, livrant un miroir critique de notre époque. Introduction avec Elisabeth Vonarburg, écrivaine, Jannick Tai Mosholt, showrunner de The Rain, série post-apocalyptique danoise sur Netflix.

LES ENTRETIENS :

  • Mamytwink

Youtubeur, explorateur urbain, réalisateur d’un documentaire sur Tchernobyl. Il nous plonge dans sa visite de ce lieu post-apocalyptique bien réel.

  • Peng Shepherd

Romancière américaine (Le Livre de M). Comment nos liens humains pourraient-ils substituer si la société s’effondre ?

  • John Gonzalez

Directeur narratif des jeux vidéo Horizon Zero Dawn, Horizon Forbidden West. Il évoque les coulisses d’écriture de ces jeux, qui s’inscrivent dans un univers post-apocalyptique paradoxalement « optimiste et verdoyant ». 

  • Pia Guerra

Cocréatrice et dessinatrice de la BD Y le dernier homme, dont l’adaptation en série TV est prévue pour septembre 2021. Elle nous explique pourquoi, derrière son genre post-apo, ce comicbook est surtout un récit de renouveau.

PARTIE 3 : « survivre ne suffit pas »

De Station Eleven à The Last of Us, les œuvres post-apo ne décrivent pas seulement des humains qui survivent, mais des humains qui gardent de l’espoir, des envies, des passions. Introduction avec Jannick Tai Mosholt, showrunner de la série post-apocalyptique The Rain sur Netflix.

LES ENTRETIENS :

  • Alexandria Neonakis

Character artist du jeu vidéo The Last of Us Part II. Comment représenter l’humanité dans environnement post-apocalyptique ?

  • Pat Murphy

Romancière américaine (La Ville peu de temps après). Et si les contextes post-apocalyptiques étaient l’occasion de proposer de nouvelles utopies, de nouvelles formes de société, par exemple davantage basées sur les arts ? 

  • Estelle Faye

Romancière française (Un éclat de givre / Un reflet de Lune). L’écrivaine nous parle de son approche du genre post-apo, et pourquoi les arts peuvent être ce qui noue relie, ce qui perdure à toute épreuve même après un effondrement de société.

PARTIE 4 : un rapport à la nature bouleversé

Les œuvres post-apo retirent toutes les structures de la société, et, ce faisant, changent totalement notre rapport à la nature. Les discours sur l’effondrement portent eux aussi une approche différente de la nature. Comment interpréter ces nouveaux récits liés à notre environnement ? Qu’est-ce que la pandémie nous montre d’ailleurs de notre rapport actuel à la nature ? Introduction avec Sara Lewis, biologiste spécialiste de la conservation des lucioles, et Jannick Tai Mosholt, showrunner de The Rain.

LES ENTRETIENS :

  • Monika Kaup

Chercheuse en littérature américaine. Elle évoque les liens entre post-apo contemporain et l’écologie.

  • Francesca Cagnacci

Biologiste. Elle est la cocréatrice du concept scientifique d’Anthropause, désignant l’impact sur la faune de la pause des activités humaines pendant la pandémie Covid-19.

  • Stéphanie Margeth

Survivaliste.

  • Gauthier Chapelle

Cofondateur du concept de collapsologie, ingénieur agronome : il milite pour que l’entraide soit une « autre loi de la jungle », comme base d’une nouvelle société.

PARTIE 5 : « la continuité des mondes »

Des « fins du monde » ont déjà eu lieu dans l’histoire humaine, et les théories de l’effondrement ne parlent pas toujours d’un effondrement brutal, soudain, sans lendemains. Le concept même de « fin du monde » a-t-il donc un sens ? Certaines crises actuelles sont-elles des fins du monde à des échelles individuelles, collectives ? Introduction avec Patricia McAnany, historienne spécialiste de la civilisation Maya et de sa disparition.

LES ENTRETIENS :

  • Pablo Servigne

Cofondateur du concept de collapsologie.

  • Marie Bécue

Avocate, administratrice à Médecins du Monde, experte en protection des droits humains.

  • Alice Baillat

Spécialiste des migrations climatiques au sein de la Division Migration, Environnement et Changement Climatique de l’OIM.

  • Jean-Sébastien Steyer

Paléontologue. L’histoire de la planète est-elle une succession de mondes post-apocalyptiques ? La notion d’effondrement a-t-elle vraiment du sens sur le plan scientifique à de telles échelles ?

PARTIE 6 : qu’implique le renouveau ? 

Partie conclusive, en compagnie de Mary Robinette Kowal, romancière américaine.

Continuer la lecture

à lire en plus

Anticipation sera au Salon du Livre de Paris 2020

Publié il y a

le

En 2019 puis en 2018, nous avons eu le plaisir de vous rencontrer aux Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes. Puis, début 2020, vous avez été nombreux et nombreuses à venir à notre événement dédié à des « contes de l’odyssée spatiale », à Rennes. Nous voulons multiplier ces rencontres avec vous partout en France, à différentes occasions. Nous sommes donc particulièrement heureux de vous annoncer notre présence au Salon du Livre de Paris, sur l’invitation de Books on Demand, pour une séance de dédicace.

La rencontre aura lieu le dimanche 22 mars 2020, de 16h à 18h, sur le stand P33 tenu par Books on Demand. Des exemplaires du numéro 1 et du numéro 2 seront disponibles. Nous mettrons à jour ce post si nous participons à d’autres événements sur place.

Le salon du Livre de Paris se tient comme chaque année à Paris Porte de Versailles Pavillon 1, Boulevard Victor, dans le 15e arrondissement. L’événement a lieu du vendredi 20 au 23 mars. L’entrée se fait par billetterie, il vaut mieux donc s’y prendre à l’avance et réserver les billets à l’avance. Cette année, l’Inde est à l’honneur.

Si vous souhaitez nous rencontrer à cette occasion mais en dehors du créneau de la séance de dédicace, par exemple pour une interview, n’hésitez pas à nous contacter quelques temps en amont.

Illustration de couverture : Livre Paris 2019

Continuer la lecture

Réseaux sociaux

     
 

NUMÉRO 1 TOUJOURS DISPONIBLE

NUMÉRO 2 EN LIBRAIRIES

Interviews en +

Chroniques à lire en +

Autres articles à lire