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La technologie est-elle providentielle ? Olga Lossky explore cette question dans “Risque Zéro”

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La plume d’ange : puce électronique implantée sous la peau pour analyser en continue la santé de son utilisateur, fournissant ainsi un rapport détaillé sur les meilleures réponses possibles à tous les besoins biologiques. Temps de sommeil, durée et contenu des repas, tout est dicté au millimètre par cette puce. Tel est le système qui s’est généralisé dans Risque Zéro, un roman d’anticipation signé Olga Lossky, chez Denoël. Et, comme le nom de l’ouvrage l’indique, dans ce futur placé en 2040, l’objectif d’un tel service est l’absence totale de la moindre prise de risque. Mais quel est le prix de cette perfection… est-elle ne serait-ce qu’humaine ?

La société que décrit Olga Lossky est une sorte de cocon protecteur, où rien ne doit ni ne peut jamais être laissé au hasard. Tout est calculé, surveillé, contrôlé pour éviter le moindre danger. Ce système s’appuie évidemment entièrement sur les nouvelles technologies. A cette image, la médecine numérique s’est généralisée, et les voitures sont entièrement autonomes.

La fameuse puce sous-cutanée citée précédemment est proposée par une entreprise judicieusement nommée Providence, à laquelle il faut évidemment être adhérent pour bénéficier des services proposés. Avec ce monde futuriste (pas si éloigné du nôtre), Olga Lossky imagine finalement que l’État-Providence est remplacé par une sorte de Technologie-Providence, un système où les technologies sont perçues par les citoyens comme la meilleure réponse à tous leurs besoins, toutes leurs craintes. D’ailleurs, symbole de ce “glissement” de légitimité : les hôpitaux privés, disposant de médecine technologique dictée par les algorithmes, ont largement plus la côte que les hôpitaux publics, en voie de disparition.

Vie d’une famille au cœur de cette société du risque zéro

En soi, le futur imaginé dans Risque Zéro a déjà été traité dans nombre d’ouvrages de science-fiction. Pourtant, Olga Lossky a réussi à proposer quelque chose d’original sur ce sujet, et cela tient non seulement à son approche narrative qu’à son excellente écriture.

La romancière s’intéresse au fond assez peu à la dimension technologique d’une telle société, et ne cherche pas à être dans un discours politique (on peut même estimer que classer le roman en dystopie ou non ne tient qu’aux yeux que les lecteurs portent dessus). Elle a choisi d’opter pour une vision totalement humaine, quasi ontologique, d’un tel “Big Brother providentiel”. Elle se penche ainsi sur l’impact que cela peut avoir sur une vie quotidienne parmi d’autres et, pour ce faire, ses protagonistes sont ancrés dans le parcours d’une seule et même famille, dont on suit le parcours face aux conséquences du système de risque zéro mis en place dans ce futur.

Nous découvrons d’abord Agnès. Réfractaire à l’évolution technologique que prend la société, elle exerce comme anesthésiste dans un hôpital public, l’un des derniers lieux où le numérique ne contrôle pas tout. C’est alors qu’une patiente, adhérente au programme de l’entreprise Providence, décède sur la table d’opération. Face à l’opinion publique, Agnès est immédiatement considérée comme étant coupable de négligence. Dans le doute, elle est placée en garde à vue. Prouver qu’elle a agi comme il le fallait, et que ce décès était inévitable, ne va pas être une mince affaire. Les choses se compliquent encore plus lorsqu’on apprend que son mari, Victorien, travaille pour Providence.

Les désaccords entre les deux époux, que l’on suit à niveau égal et qui n’ont pas la même vision du monde, sont un peu comme une double incarnation de l’état d’esprit du lecteur face à la société décrite par Olga Lossky : d’un côté, on se dit forcément que si les technologies permettent d’éviter des dangers inutiles, voilà une chose positive donc pourquoi pas ; mais en même temps, un quotidien entièrement régi par ces technologies, dénué d’actes purement humains, a tendance à être terrifiant.

Pour s’éloigner de toute l’agitation médiatique et face à un énième désaccord avec son conjoint, Agnès ira jusqu’à partir du domicile familial, avec les enfants, pour s’installer chez ses parents… ultra-religieux et encore plus réfractaires qu’elle au numérique. Chaque membre de cette famille, et chaque génération, apporte un point de vue sur cette société futuriste.

En mettant de côté les aspects les plus techniques pour se concentrer sur les sentiments et la vie quotidienne, Olga Lossky explore les innovations à travers l’impact profond qu’elles peuvent avoir sur nous concernant tout ce à quoi l’on tient le plus dans la vie : nos proches, notre santé, notre métier. Une approche humaniste et familiale, qui bénéficie en plus de qualités littéraires indéniables : l’écriture est douce, fluide, servant une narration impeccable.


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Anticipation N°3 : voici les entretiens au sommaire

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Que peuvent nous dire les nouveaux mondes qui émergent après la fin du monde ? Cette question remet d’emblée en question la notion même de fin, portant le focus sur l’« après ». Que pouvons-nous trouver en regardant au-delà du chaos apparent de la fiction post-apocalyptique, pour y chercher les formes de renouveau et d’espoir qu’elle dépeint, les messages qu’elle adresse à notre présent ? Nous avons pris ces œuvres comme un laboratoire de pensée, tout en allant chercher aussi des clés dans la science et l’histoire. Comment l’humanité perçoit-elle son avenir et son champ des possibles ?

Voici le sommaire de ce numéro 3, avec les grands entretiens qui structureront cette nouvelle enquête dans les futurs possibles.


Partie 1 : « dépasser la fin du monde »

Les récits post-apocalyptiques ne sont pas tant des récits de la fin ni de l’apocalypse, que des récits de l’après. Des récits d’un nouveau monde naissant. Comment se distinguent-ils d’une approche purement apocalyptique ? Introduction avec Elisabeth Vonarburg, écrivaine.

LES ENTRETIENS :

  • Yannick Rumpala

Chercheur spécialisé du thème “science-fiction et politique”. Quel est l’imaginaire véhiculé par les récits post-apocalyptiques ?

  • Natacha Vas-Deyres

Chercheuse spécialiste de la science-fiction française. Quelles sont les particularités du post-apo français ? Et si ces récits étaient finalement proches du genre utopique ?

  • Ketty Steward

Romancière et poétesse française. » Et si les débats sur la fin du monde étaient finalement une occasion de changer d’angle et d’échelle ? Et si c’était aussi un tel changement de perspective que pouvait apporter la SF avec les mondes post-apocalyptiques ?

  • Manouk Borzakian

Géographe, auteur de Géographie Zombie. Il évoque le cinéma post-apocalyptique — de La Route à Mad Max — à travers la perception moderne de nos habitats et de notre rapport aux autres.

  • Brendan McCarthy

Coscénariste de Mad Max Fury Road. Des coulisses du film et à sa portée, comment ce 4e opus renouvelle la licence Mad Max avec des thématiques écologistes, féministes, et davantage d’espoir.

Partie 2 : « notre humanité mise à l’épreuve »

En retirant toutes les structures qui forment notre société, les mondes post-apocalyptiques mettent l’humanité à nu — et donc à l’épreuve, livrant un miroir critique de notre époque. Introduction avec Elisabeth Vonarburg, écrivaine, Jannick Tai Mosholt, showrunner de The Rain, série post-apocalyptique danoise sur Netflix.

LES ENTRETIENS :

  • Mamytwink

Youtubeur, explorateur urbain, réalisateur d’un documentaire sur Tchernobyl. Il nous plonge dans sa visite de ce lieu post-apocalyptique bien réel.

  • Peng Shepherd

Romancière américaine (Le Livre de M). Comment nos liens humains pourraient-ils substituer si la société s’effondre ?

  • John Gonzalez

Directeur narratif des jeux vidéo Horizon Zero Dawn, Horizon Forbidden West. Il évoque les coulisses d’écriture de ces jeux, qui s’inscrivent dans un univers post-apocalyptique paradoxalement « optimiste et verdoyant ». 

  • Pia Guerra

Cocréatrice et dessinatrice de la BD Y le dernier homme, dont l’adaptation en série TV est prévue pour septembre 2021. Elle nous explique pourquoi, derrière son genre post-apo, ce comicbook est surtout un récit de renouveau.

PARTIE 3 : « survivre ne suffit pas »

De Station Eleven à The Last of Us, les œuvres post-apo ne décrivent pas seulement des humains qui survivent, mais des humains qui gardent de l’espoir, des envies, des passions. Introduction avec Jannick Tai Mosholt, showrunner de la série post-apocalyptique The Rain sur Netflix.

LES ENTRETIENS :

  • Alexandria Neonakis

Character artist du jeu vidéo The Last of Us Part II. Comment représenter l’humanité dans environnement post-apocalyptique ?

  • Pat Murphy

Romancière américaine (La Ville peu de temps après). Et si les contextes post-apocalyptiques étaient l’occasion de proposer de nouvelles utopies, de nouvelles formes de société, par exemple davantage basées sur les arts ? 

  • Estelle Faye

Romancière française (Un éclat de givre / Un reflet de Lune). L’écrivaine nous parle de son approche du genre post-apo, et pourquoi les arts peuvent être ce qui noue relie, ce qui perdure à toute épreuve même après un effondrement de société.

PARTIE 4 : un rapport à la nature bouleversé

Les œuvres post-apo retirent toutes les structures de la société, et, ce faisant, changent totalement notre rapport à la nature. Les discours sur l’effondrement portent eux aussi une approche différente de la nature. Comment interpréter ces nouveaux récits liés à notre environnement ? Qu’est-ce que la pandémie nous montre d’ailleurs de notre rapport actuel à la nature ? Introduction avec Sara Lewis, biologiste spécialiste de la conservation des lucioles, et Jannick Tai Mosholt, showrunner de The Rain.

LES ENTRETIENS :

  • Monika Kaup

Chercheuse en littérature américaine. Elle évoque les liens entre post-apo contemporain et l’écologie.

  • Francesca Cagnacci

Biologiste. Elle est la cocréatrice du concept scientifique d’Anthropause, désignant l’impact sur la faune de la pause des activités humaines pendant la pandémie Covid-19.

  • Stéphanie Margeth

Survivaliste.

  • Gauthier Chapelle

Cofondateur du concept de collapsologie, ingénieur agronome : il milite pour que l’entraide soit une « autre loi de la jungle », comme base d’une nouvelle société.

PARTIE 5 : « la continuité des mondes »

Des « fins du monde » ont déjà eu lieu dans l’histoire humaine, et les théories de l’effondrement ne parlent pas toujours d’un effondrement brutal, soudain, sans lendemains. Le concept même de « fin du monde » a-t-il donc un sens ? Certaines crises actuelles sont-elles des fins du monde à des échelles individuelles, collectives ? Introduction avec Patricia McAnany, historienne spécialiste de la civilisation Maya et de sa disparition.

LES ENTRETIENS :

  • Pablo Servigne

Cofondateur du concept de collapsologie.

  • Marie Bécue

Avocate, administratrice à Médecins du Monde, experte en protection des droits humains.

  • Alice Baillat

Spécialiste des migrations climatiques au sein de la Division Migration, Environnement et Changement Climatique de l’OIM.

  • Jean-Sébastien Steyer

Paléontologue. L’histoire de la planète est-elle une succession de mondes post-apocalyptiques ? La notion d’effondrement a-t-elle vraiment du sens sur le plan scientifique à de telles échelles ?

PARTIE 6 : qu’implique le renouveau ? 

Partie conclusive, en compagnie de Mary Robinette Kowal, romancière américaine.

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Anticipation sera au Salon du Livre de Paris 2020

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En 2019 puis en 2018, nous avons eu le plaisir de vous rencontrer aux Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes. Puis, début 2020, vous avez été nombreux et nombreuses à venir à notre événement dédié à des « contes de l’odyssée spatiale », à Rennes. Nous voulons multiplier ces rencontres avec vous partout en France, à différentes occasions. Nous sommes donc particulièrement heureux de vous annoncer notre présence au Salon du Livre de Paris, sur l’invitation de Books on Demand, pour une séance de dédicace.

La rencontre aura lieu le dimanche 22 mars 2020, de 16h à 18h, sur le stand P33 tenu par Books on Demand. Des exemplaires du numéro 1 et du numéro 2 seront disponibles. Nous mettrons à jour ce post si nous participons à d’autres événements sur place.

Le salon du Livre de Paris se tient comme chaque année à Paris Porte de Versailles Pavillon 1, Boulevard Victor, dans le 15e arrondissement. L’événement a lieu du vendredi 20 au 23 mars. L’entrée se fait par billetterie, il vaut mieux donc s’y prendre à l’avance et réserver les billets à l’avance. Cette année, l’Inde est à l’honneur.

Si vous souhaitez nous rencontrer à cette occasion mais en dehors du créneau de la séance de dédicace, par exemple pour une interview, n’hésitez pas à nous contacter quelques temps en amont.

Illustration de couverture : Livre Paris 2019

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