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Les enfants d’Icare, Arthur C. Clarke : l’humanité vouée aux étoiles

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Concept art basé sur "Les enfants d'Icare", pour la série TV. Par Alexander Forssberg.

Il est de ces livres qui échappent étrangement aux lois du temps, et Les enfants d’Icare est de ceux-là. Publié en 1953, ce roman de science-fiction dresse le portrait saisissant et glaçant d’une humanité placée face à ses propres contradictions, à ses propres limites, au travers de sa rencontre avec une espèce extraterrestre, Les Suzerains.

« L’auteur qui a vu la science-fiction devenir réalité »

Arthur C. Clarke est un auteur britannique de hard science fiction, né en 1917. Il est, aux côté d’Isaac Asimov et Robert Heinlein, un des plus grand auteurs de l’Âge d’or de la SF. En 1950, le space opera connaît son apogée, à l’aube de la conquête spatiale.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Clarke a travaillé sur le système d’alerte radar britannique dans la Royal Air Force. Il imagine alors le système de l’orbite géostationnaire, qui sera sa plus grande contribution à la recherche scientifique. C’est celui qui est utilisé aujourd’hui pour les satellites de télécommunication. L’un d’eux porte aujourd’hui son nom, le satellite « Clarke ».

Clarke, « l’auteur qui a vu la science fiction devenir réalité », a écrit près de 100 ouvrages, comprenant des recueils de nouvelles, des romans et des écrits scientifiques. S’il a fondé sa réputation dans le champ de la SF par la publication de ses nouvelles, ce sont ses romans Les enfants d’Icare (1953) et La Cité et les Astres (1956) qui lui ont permis d’élargir son lectorat. Il est également connu pour avoir travaillé avec le réalisateur Stanley Kubrick sur l’écriture du script de 2001 : L’Odyssée de l’espace.

Arthur C. Clarke en 1965.

Ardent défenseur de la conquête spatiale, Arthur C. Clarke assurait qu’avant la fin du XXe siècle, l’humanité sera amenée à changer d’échelle de nouveau, car alors, « le système solaire entier composera la toile de fond de notre vie ». Il défend cet enjeu dans la plupart de ses romans tels que Prélude à l’espace (1951), La Cité et les Astres, La trilogie de l’espace, etc. Pour autant, il adopte dans Les enfants d’Icare une perspective un peu différente.

Dans cet ouvrage qu’il considère comme le plus abouti de son œuvre, Clarke imagine que la façon dont les hommes se projetteront et se répandront dans l’espace ne soit pas celle à laquelle nous nous attendions.

L’espace, l’ultime frontière à franchir

Le récit se déroule en l’an 1975. La Guerre-Froide bat sont plein. Alors que les Américains et les Soviétiques s’apprêtent à lancer leurs premières fusées lunaires, des vaisseaux extraterrestres apparaissent soudainement au-dessus des plus grandes capitales du monde. Les Suzerains, des extraterrestres ultra-évolués et pacifiques, prennent alors le contrôle de la Terre. Ils œuvrent à la création d’une communauté mondiale, libérée de l’emprise des États et mettent fin à l’équilibre de la Terreur.

Les enfants d’Icare est né d’une volonté de Clarke de se placer à contre-courant des nombreux écrits de SF qui ont fleuri après La Guerre des Mondes de Herbert George Wells, et qui relatent l’invasion d’extraterrestres aux pulsions destructrices et agressifs envers l’humanité. Les Suzerains, au contraire, instaurent une société utopique en mettant fin à la souveraineté des Nations, aux conflits, à la famine, aux inégalités sociales, aux extrémismes religieux… Il y a un ralentissement général de la production et la consommation. On assiste également à une libération sexuelle et la société devient ultra-technologisée.

Les Suzerains interdisent cependant aux hommes la recherche scientifique en aérospatiale, arguant qu’ils ne savent pas utiliser le progrès technique autrement que pour s’auto-détruire. Pour autant, ce monde parfait se révèle bientôt somnolent et aseptisé. Les hommes ne sont plus animés de pulsions créatrices et ne tentent plus de faire reculer les frontières de la connaissance. Clarke s’interroge, ainsi, sur la nature de l’homme et sa propension à l’inertie ou au dépassement de soi. L’utopie laisse place à l’ennui se substitue.

Pour Clarke, l’humanité doit alors se tourner vers le ciel, cette nouvelle frontière qu’il se doit de franchir afin de ne pas sombrer dans l’inertie. Il interroge les raisons profondes qui poussent l’humain à entreprendre un tel voyage, questionnant sa nature et sa relation à l’Univers. L’exploration de l’espace telle qu’il la présente dans ses romans consiste en une entreprise pacifique menée avec une certaine sagesse. Mais, dans Les enfants d’Icare, émerge également l’idée que, peut-être, n’irons-nous pas dans l’espace de la façon dont nous l’avions imaginé.

La fin de l’enfance

Clarke est partagé entre son optimisme à toutes épreuves et la certitude, au fond de lui, que l’homme n’est pas prêt à sortir de son cocon. Que si quelque part, s’il y a une forme de vie intelligente dans l’Espace, il y a de fortes chances pour qu’elle soit bien au-delà de notre compréhension.

Dans la version originale, le récit est précédé d’une note indiquant que « les opinions exprimées dans ce livre ne sont pas celles de l’auteur ». Pour autant, le choix qu’il a fait de développer cet argumentaire montre que Clarke souhaitait exprimer quelques doutes quant à la capacité de l’humanité à se répandre dans l’univers, ou du moins à ce stade de maturité. C’est une façon pour lui d’évoquer la question du post-humanisme avec l’ascension vers l’espace d’hommes devenus pures esprits qui abandonnent les derniers vestiges de la matière derrière eux.

Le titre original, « Childhood’s end », montre que cette ultime phase d’évolution de l’humanité marque la fin de son enfance et l’entrée dans sa phase de maturité. En interrogeant la relation de l’homme à l’univers de la sorte, Arthur C. Clarke lie étroitement le prochain stade de l’évolution de l’humanité à la découverte de l’espace. Cela illustre parfaitement les dires de l’auteur Brian Aldiss, selon qui « plus qu’aucun autre auteur de science-fiction, Clarke est resté fidèle au rêve de l’enfant qui voit dans la science le salut de l’humanité et dans l’humanité une race de dieux potentiels voués aux étoiles. »

Dans Les enfants d’Icare, la frontière nous séparant de l’espace n’est plus seulement physique, mais métaphysique.

Pourquoi « Les enfants d’Icare » comme traduction du titre  ?

Dans la mythologie grecque, Icare constitue le symbole de la volonté de l’homme d’accéder à la troisième dimension. Enfermé avec son père dans le Labyrinthe par Minos, le Roi de Crête, Icare tente de s’échapper au moyen d’une paire d’ailes constituées de plumes et de cire. Mais, grisé par le vol, il ne suit pas les recommandations de son père. Il s’élève de plus en plus haut dans le ciel, jusqu’à ce que la chaleur du Soleil ne fasse fondre ses ailes et qu’il ne tombe dans la mer pour s’y noyer.

En définitive, le message d’une telle traduction semble bien que l’humanité ne devrait pas chercher à aller trop vite, trop haut, au risque de se brûler les ailes.

Le roman a été adapté en 2015, sous forme de séries TV, par la chaîne américaine SyFy.



Les enfants d’Icare
, Arthur C. Clarke

Poche : Milady
336 pages
7.10€

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Anticipation N°3 : voici les entretiens au sommaire

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Que peuvent nous dire les nouveaux mondes qui émergent après la fin du monde ? Cette question remet d’emblée en question la notion même de fin, portant le focus sur l’« après ». Que pouvons-nous trouver en regardant au-delà du chaos apparent de la fiction post-apocalyptique, pour y chercher les formes de renouveau et d’espoir qu’elle dépeint, les messages qu’elle adresse à notre présent ? Nous avons pris ces œuvres comme un laboratoire de pensée, tout en allant chercher aussi des clés dans la science et l’histoire. Comment l’humanité perçoit-elle son avenir et son champ des possibles ?

Voici le sommaire de ce numéro 3, avec les grands entretiens qui structureront cette nouvelle enquête dans les futurs possibles.


Partie 1 : « dépasser la fin du monde »

Les récits post-apocalyptiques ne sont pas tant des récits de la fin ni de l’apocalypse, que des récits de l’après. Des récits d’un nouveau monde naissant. Comment se distinguent-ils d’une approche purement apocalyptique ? Introduction avec Elisabeth Vonarburg, écrivaine.

LES ENTRETIENS :

  • Yannick Rumpala

Chercheur spécialisé du thème “science-fiction et politique”. Quel est l’imaginaire véhiculé par les récits post-apocalyptiques ?

  • Natacha Vas-Deyres

Chercheuse spécialiste de la science-fiction française. Quelles sont les particularités du post-apo français ? Et si ces récits étaient finalement proches du genre utopique ?

  • Ketty Steward

Romancière et poétesse française. » Et si les débats sur la fin du monde étaient finalement une occasion de changer d’angle et d’échelle ? Et si c’était aussi un tel changement de perspective que pouvait apporter la SF avec les mondes post-apocalyptiques ?

  • Manouk Borzakian

Géographe, auteur de Géographie Zombie. Il évoque le cinéma post-apocalyptique — de La Route à Mad Max — à travers la perception moderne de nos habitats et de notre rapport aux autres.

  • Brendan McCarthy

Coscénariste de Mad Max Fury Road. Des coulisses du film et à sa portée, comment ce 4e opus renouvelle la licence Mad Max avec des thématiques écologistes, féministes, et davantage d’espoir.

Partie 2 : « notre humanité mise à l’épreuve »

En retirant toutes les structures qui forment notre société, les mondes post-apocalyptiques mettent l’humanité à nu — et donc à l’épreuve, livrant un miroir critique de notre époque. Introduction avec Elisabeth Vonarburg, écrivaine, Jannick Tai Mosholt, showrunner de The Rain, série post-apocalyptique danoise sur Netflix.

LES ENTRETIENS :

  • Mamytwink

Youtubeur, explorateur urbain, réalisateur d’un documentaire sur Tchernobyl. Il nous plonge dans sa visite de ce lieu post-apocalyptique bien réel.

  • Peng Shepherd

Romancière américaine (Le Livre de M). Comment nos liens humains pourraient-ils substituer si la société s’effondre ?

  • John Gonzalez

Directeur narratif des jeux vidéo Horizon Zero Dawn, Horizon Forbidden West. Il évoque les coulisses d’écriture de ces jeux, qui s’inscrivent dans un univers post-apocalyptique paradoxalement « optimiste et verdoyant ». 

  • Pia Guerra

Cocréatrice et dessinatrice de la BD Y le dernier homme, dont l’adaptation en série TV est prévue pour septembre 2021. Elle nous explique pourquoi, derrière son genre post-apo, ce comicbook est surtout un récit de renouveau.

PARTIE 3 : « survivre ne suffit pas »

De Station Eleven à The Last of Us, les œuvres post-apo ne décrivent pas seulement des humains qui survivent, mais des humains qui gardent de l’espoir, des envies, des passions. Introduction avec Jannick Tai Mosholt, showrunner de la série post-apocalyptique The Rain sur Netflix.

LES ENTRETIENS :

  • Alexandria Neonakis

Character artist du jeu vidéo The Last of Us Part II. Comment représenter l’humanité dans environnement post-apocalyptique ?

  • Pat Murphy

Romancière américaine (La Ville peu de temps après). Et si les contextes post-apocalyptiques étaient l’occasion de proposer de nouvelles utopies, de nouvelles formes de société, par exemple davantage basées sur les arts ? 

  • Estelle Faye

Romancière française (Un éclat de givre / Un reflet de Lune). L’écrivaine nous parle de son approche du genre post-apo, et pourquoi les arts peuvent être ce qui noue relie, ce qui perdure à toute épreuve même après un effondrement de société.

PARTIE 4 : un rapport à la nature bouleversé

Les œuvres post-apo retirent toutes les structures de la société, et, ce faisant, changent totalement notre rapport à la nature. Les discours sur l’effondrement portent eux aussi une approche différente de la nature. Comment interpréter ces nouveaux récits liés à notre environnement ? Qu’est-ce que la pandémie nous montre d’ailleurs de notre rapport actuel à la nature ? Introduction avec Sara Lewis, biologiste spécialiste de la conservation des lucioles, et Jannick Tai Mosholt, showrunner de The Rain.

LES ENTRETIENS :

  • Monika Kaup

Chercheuse en littérature américaine. Elle évoque les liens entre post-apo contemporain et l’écologie.

  • Francesca Cagnacci

Biologiste. Elle est la cocréatrice du concept scientifique d’Anthropause, désignant l’impact sur la faune de la pause des activités humaines pendant la pandémie Covid-19.

  • Stéphanie Margeth

Survivaliste.

  • Gauthier Chapelle

Cofondateur du concept de collapsologie, ingénieur agronome : il milite pour que l’entraide soit une « autre loi de la jungle », comme base d’une nouvelle société.

PARTIE 5 : « la continuité des mondes »

Des « fins du monde » ont déjà eu lieu dans l’histoire humaine, et les théories de l’effondrement ne parlent pas toujours d’un effondrement brutal, soudain, sans lendemains. Le concept même de « fin du monde » a-t-il donc un sens ? Certaines crises actuelles sont-elles des fins du monde à des échelles individuelles, collectives ? Introduction avec Patricia McAnany, historienne spécialiste de la civilisation Maya et de sa disparition.

LES ENTRETIENS :

  • Pablo Servigne

Cofondateur du concept de collapsologie.

  • Marie Bécue

Avocate, administratrice à Médecins du Monde, experte en protection des droits humains.

  • Alice Baillat

Spécialiste des migrations climatiques au sein de la Division Migration, Environnement et Changement Climatique de l’OIM.

  • Jean-Sébastien Steyer

Paléontologue. L’histoire de la planète est-elle une succession de mondes post-apocalyptiques ? La notion d’effondrement a-t-elle vraiment du sens sur le plan scientifique à de telles échelles ?

PARTIE 6 : qu’implique le renouveau ? 

Partie conclusive, en compagnie de Mary Robinette Kowal, romancière américaine.

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Anticipation sera au Salon du Livre de Paris 2020

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En 2019 puis en 2018, nous avons eu le plaisir de vous rencontrer aux Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes. Puis, début 2020, vous avez été nombreux et nombreuses à venir à notre événement dédié à des « contes de l’odyssée spatiale », à Rennes. Nous voulons multiplier ces rencontres avec vous partout en France, à différentes occasions. Nous sommes donc particulièrement heureux de vous annoncer notre présence au Salon du Livre de Paris, sur l’invitation de Books on Demand, pour une séance de dédicace.

La rencontre aura lieu le dimanche 22 mars 2020, de 16h à 18h, sur le stand P33 tenu par Books on Demand. Des exemplaires du numéro 1 et du numéro 2 seront disponibles. Nous mettrons à jour ce post si nous participons à d’autres événements sur place.

Le salon du Livre de Paris se tient comme chaque année à Paris Porte de Versailles Pavillon 1, Boulevard Victor, dans le 15e arrondissement. L’événement a lieu du vendredi 20 au 23 mars. L’entrée se fait par billetterie, il vaut mieux donc s’y prendre à l’avance et réserver les billets à l’avance. Cette année, l’Inde est à l’honneur.

Si vous souhaitez nous rencontrer à cette occasion mais en dehors du créneau de la séance de dédicace, par exemple pour une interview, n’hésitez pas à nous contacter quelques temps en amont.

Illustration de couverture : Livre Paris 2019

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